A l’heure où l’Etat vise le « Tout numérique » pour 2022, le citoyen déjà bien empêché dans ses démarches par la dématérialisation des formalités et la fermeture physique de nombreux services public se trouve bien dépourvu quand son unique interlocuteur devient un écran.
Corolaire de cette politique, le plan d’inclusion numérique vise un accompagnement soutenu des usagers, la multiplication des points relais et d’aide pour se familiariser avec l’outil ou faire ses démarches. L’intention est bonne, le tout numérique tentera en un temps record de ne laisser personne sur le bas-côté et les territoires se mobilisent face à la sollicitation croissante des usagers.
Les Départements, Régions, en partenariat avec les acteurs du service public, agissent comme courroies de transmission privilégiées de l’inclusion numérique via l’ingénierie, la formation et la création de postes…
Ces réseaux locaux d’inclusion numérique vont détecter les points de fracture numérique, former les utilisateurs à faire leurs démarches en lignes, les accompagner, les aider ou faire à leur place quand cela sera nécessaire : ces politiques sont pertinentes et leurs animateurs locaux auront fort à faire.
Mais ces bonnes intentions et ces bonnes actions ouvrent un champ très large de questionnements notamment concernant la protection des données personnelles des usagers utilisant des ordinateurs dans un espace public type « Maison France Services », « Point info » bibliothèques…. Comment assurer la protection des données personnelles des usagers utilisées lors d’une formation, d’une démarche… ?
Face à des travailleurs sociaux de plus en plus sollicités, la CNIL s’est emparée du sujet en matière sociale et médico-sociale en publiant en mars dernier un référentiel donnant les grandes recommandations en la matière. Plus largement, elle convie tous les acteurs de l’inclusion numérique à respecter des bonnes pratiques à titre personnel et vis-à-vis des usagers qu’elles accompagnent. La CNIL propose un « kit numérique » pour accompagner les aidants, les professionnels et les bénévoles qui se retrouveront, sur les territoires, acteurs de première ligne de la mise en pratique des politiques nationales.
C’est une chose de former à l’outil numérique, s’en est une autre de former à la protection des données personnelles surtout quand ces données peuvent être des données sensibles comme celles de santé (utilisation du NIR, création du dossier MDPH…). L’accompagnant se devra de sensibiliser à la protection des données personnelle de l’usager, tout en étant lui-même le garant du respect d’une protection stricte des informations qu’ils viendrait à connaitre notamment quand il fait à la place de l’usager. En effet, quid des personnes en grande fragilité ou porteuses de handicap ? Quid des majeurs protégés ? Quid du formalisme du recueil du consentement des publics empêchés ? Le spectre est très large et les réponses d’une rigueur extrême.
La formation des agents, des bénévoles et des services, la mise en place de méthodes généralisées et harmonisées dans les collectivités ou associations pour répondre aux exigences du RGPD sont la face cachée de l’iceberg inclusif.
Il y a un véritable enjeu de compréhension par les acteurs directs (du secteur social ou non) des enjeux de protection des données personnelles. L’adhésion de ces derniers à ces « bonnes pratiques » et ces méthodologies standardisées et uniformisées sur tout le territoire passera par des formations pointues et un contrôle a posteriori régulier pour s’assurer, au-delà de l’information donnée à l’usager, que la collecte du consentement ou la conservation des données répondent aux exigences légales. Les collectivités et associations devront mettre en place les recommandations de la CNIL afin que l’inclusion numérique ne devienne pas un cadeau empoisonné dans son application effective.
Virginie LE DRESSAY